Sergueï CHELNOKOV - VOZ‘Galerie
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Sergueï CHELNOKOV

Biographie

Sergueï Chelnokov est un photographe amateur russe de la fin du XIXème et début du XXème siècle. À l’heure ou la photographie stéréoscopique était considérée comme un divertissement, il s’est illustré en gagnant plusieurs prix et concours photos.

Il est issu d’une famille de commerçants renommée à Moscou et impliquée dans la vie culturelle. En effet, certains membres de sa famille font partie du Conseil de tutelle de la célèbre Galerie Moscovite Tretriakov, aujourd’hui Musée d’état possédant l’une des plus importantes collections au monde d’oeuvres d’artistes russes. Son frère Mikhaïl Vassilievitch Chelnokov est un entrepreneur réputé, un des leaders du Parti constitutionnel démocratique (Cadets), un commissaire du Gouvernement provisoire russe au début de 1917 il est également le Maire de Moscou avant la révolution. Les Chelnokov font partie de l’élite commerciale, intellectuelle, politique et artistique de Moscou. L’oeuvre photographique de Sergueï Chelnokov, ainsi que les activités sociales et politiques de sa famille, le contraignent à émigrer en urgence en novembre 1917 après la sanglante prise d’assaut du Kremlin par les bolchéviques. Il abandonne alors ses photographies qui ne seront retrouvées qu’au XXIème siècle. En 1921, Chelnokov a été enregistré parmi les migrants russes de Constantinople, puis, la même année, on retrouve une trace de son arrivée au Danemark.

Que sont ces archives, pourquoi sont-elles restées inconnues, que représentent-elles pour l’histoire de la Russie et que savons-nous aujourd’hui du photographe Sergueï Chelnokov ?

La collection est constituée de plus de 1500 plaques de verre principalement des stéréoscopes et quelques autochromes de prises de vues, réalisées entre 1885 et 1917, pour lesquelles il utilisait des plaques photographiques des Frères Lumière, puis des plaques de la société anglaise Ilford. Ses photographies ne comportaient ni légende, ni commentaire. Ce fût un travail de recherche conséquent pour les cataloguer, catégoriser et inventorier, ainsi que pour identifier les lieux et les évènements. Ces photographies aujourd’hui disponibles et documentées nous fournissent plus d’informations que les rares témoignages des archives russes et étrangère sur l’époque. Ces photographies plongent les spectateurs dans les épisodes de la vie des Russes et des Européens au tournant des XIXe et XXe siècles. Elles dépeignent les différentes couches sociales de l’époque et documentent une histoire illustrée de cette période : Les chroniques de guerre, les révolutions, les événements historiques importants alternent avec des images de villes et de villages russes et européens, de scènes de vie quotidienne et de voyage. La diversité de sujets et de genres, ainsi que la variété des techniques utilisées sont considérables. On trouve également dans ces archives des portraits de famille et célébrités de cette l’époque, des paysages, des natures mortes et des portraits en costumes traditionnels, des souvenirs de voyages à travers l’Europe, mais aussi un travail d’expérimentation de reproduction de photos : proche de scientifiques bien connus, tels que D.P. Syreishikov, Chelnokov jouait avec des composants chimiques d’émulsion photographique. Parmi certains sujets illustrés : les curiosités architecturales de l’époque, des foules endimanchées dans lesquelles chaque visage apparaît comme un portrait autonome des autres, l’inauguration de la statue de N. Gogol (1909), l’ouragan de 1904 à Mytichtchi, l’exposition universelle de 1900, l’incendie du Théâtre Maly à Moscou (1914), l’ouverture du pont Tower bridge à Londres, l’insurrection de Décembre 1905 à Moscou, la guerre russo-japonaise (1904-1905) etc…

La découverte de ces archives constitue un événement majeur pour la vie culturelle russe. En effet, elles nous fournissent aujourd’hui, plus d’informations que les rares témoignages dispersés dans les archives russes et étrangères. Ces photographies présentent non seulement un intérêt historique fondamental, relatant la vie d’une époque révolue, mais elles témoignent également des talents artistiques indéniables et de l’oeil sensible du photographe maîtrisant remarquablement la composition et capturant les expressions avec force et précision. On ne peut pratiquement pas inventer un objet photographique : il vit sa propre vie et fait soudain intrusion dans notre réalité. Une intrusion étrange qui fait découvrir, un monde parallèle comme s’il avait existé avant le clic de l’obturateur d’objectif. Les images photographiques pénètrent notre vie et la changent d’une manière étrange : nous ne regardons plus le Parthénon, mais une photo du Parthénon, non plus la personne, mais une photo de la personne, nous regardons ce qui n’a jamais existé, en déplaçant notre regard de l’original vers une apparence en reconnaissant à celle-ci une existence qui n’est pas du tout vraie et pourtant tout à fait réelle. Un monde parallèle, un temps inaccessible, mais visible et perceptible. Il est si intéressant de le regarder au moment où il vous regarde, lui. L’histoire de ces archives, leur exposition, leur abandon, leur oubli, leur conservation et leur redécouverte,reflète fidèlement l’histoire de la Russie, et celle de l’immigration russe.

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